Review 1926 : Lunar Tombfields – An Arrow to the Sun

Lunar Tombfields n’a pas peur de viser haut.

Créé en 2020 près de Nantes par M. (guitare/basse/chant, Absolvtion) et Äzh (batterie/guitare, Natremia, ex-Defenestration), le groupe signe chez Les Acteurs de l’Ombre Productions, avec qui ils sortent un premier album en 2022, suivi de près par An Arrow to the Sun l’année suivante.

L’album débute avec le son lancinant d’An Elegy to the Fog Dancer, le titre le plus court, qui place des leads hypnotiques sur une rythmique très lente mais déjà sombre qui finira par accueillir les premiers mots avant que les riffs ne s’enflamment sur Solar Charioteer, où les mélodies cinglantes rencontrent une base effrénée. Les tonalités Old School s’allient aux hurlements bruts pour créer une ambiance étouffante qui devient majestueuse en ralentissant grâce à des harmoniques dissonantes, mais qui savent également nourrir la fureur dans les moments les plus vifs de ces vagues de noirceur rythmées qui adoptent des tonalités plus mystérieuses avant de laisser place à Représailles, où la mélancolie règne. Elle ne s’effacera jamais totalement, mais accueillera des tonalités plus agressives ainsi qu’un chant rocailleux en français qui retranscrit à la perfection le désespoir le plus intense, confirmé et complété par les leads entêtants qui hantent le paysage. Le morceau va s’apaiser puis nous mener à As Iron Calls, So Pile the Dreams qui débute avec une voix samplée avant de relâcher toute sa fureur grâce à des riffs certes mélodieux mais surtout rapides, répondant à l’intensité des hurlements torturés. Le son ralentit pour se teinter à nouveau d’amertume, puis un break en son clair nous offre un instant de répit avant que la saturation ne nous étouffe à nouveau avant de nous piétiner sur le final, suivi par The Amber Herd qui se montre rapidement plus majestueuse et imposante. Le blast entretient les racines agressives pendant que les harmoniques volent entre les cris de rage, les apaisant parfois pour laisser le son redevenir lancinant l’espace de quelques instants avant de s’abandonner à nouveau à la puissance ténébreuse avant de s’éteindre pour donner vie à Le Chant des Tombes, la dernière composition. On y retrouve la même ardeur que précédemment, ainsi qu’un français qui alterne entre véhémence et tonalités plus maussades en nous accompagnant vers un néant pessimiste.

Ancré dans ses racines Black Metal, mais osant également s’aventurer dans des tonalités planantes et lancinantes, Lunar Tombfields sait parfaitement gérer son intensité et nous offre avec An Arrow to the Sun un manifeste ténébreux dont on se délecte sans modération.

95/100

English version?

Quelques questions à M. et Äzh, fondateurs du groupe français Lunar Tombfields.

Bonjour et tout d’abord, merci de m’accorder de ton temps ! Comment pourrais-tu présenter le groupe Lunar Tombfields sans utiliser les habituelles étiquettes des styles musicaux ?
M. (guitare/basse/chant) : C’est toujours difficile de cataloguer sa propre création. Nous aimons considérer ce projet comme une entité Black Metal mais au sein de laquelle nous ne fermons aucune porte. Une large place est laissée aux mélodies et aux atmosphères tout en laissant de la place à des plages plus violentes voire à quelques éléments progressifs.
Äzh (batterie/guitare) : Nous jouons une musique parfaitement personnelle, pour laquelle nous nous permettons tout ce qui nous fait envie. En termes de compositions, tout est particulièrement intuitif et il est très rare que nous ayons à réfléchir longtemps avant de tomber d’accord sur un concept, un riff ou une progression. Notre musique est contemplative, mélodique et parfois agressive, plus violente.

An Arrow to the Sun, votre deuxième album, vient de sortir, comment vous sentez-vous ? Est-ce que vous avez déjà eu des retours à son sujet ?
M. : Chaque sortie d’album est à la fois excitante et stressante. Nous avons la tête dans ce disque depuis près d’un an et nous sommes impatients de savoir ce que le public en pensera. Les premiers retours ont été très positifs, nous verrons bien ce que le futur réserve à ce disque. Il est très courant d’entendre des artistes dire qu’ils ont envie de modifier quelque chose avant la sortie d’un disque. Il y a bien entendu des choses que nous peaufinerions davantage, mais nous sommes dans l’ensemble tous les deux très fiers de ce nouvel album.
Äzh : Nous sommes très enthousiastes pour la sortie de cet album. L’enregistrement et le mix/master se sont très bien passés, nous sommes confiants au niveau des compositions, et il ne reste qu’à attendre les retours du public.

Comment résumerais-tu An Arrow to the Sun en trois mots ?
M. : Épique, guerrier, hargneux.
Äzh :  Pour ma part je dirais aussi épique, mais aussi riche et personnel

An Arrow to the Sun sort à peine un an et demi après votre premier album, comment s’est passé sa composition ? Est-ce que tu as remarqué des changements, ou des évolutions dans le processus créatif ?
M. : Nous fonctionnons toujours de la même manière depuis la naissance du projet. Je réfléchis au concept de l’album et compose l’ossature de chaque titre. Äzh ajoute ensuite ses parties et s’occupe des arrangements. De nouvelles idées se greffent ainsi au fur et à mesure de l’avancée des maquettes. Chaque morceau prend forme de cette manière. Je me charge ensuite des paroles. Le fait de n’être que deux cerveaux partageant la même vision fait que les choses avancent relativement vite. Nous étions conscients des éléments à améliorer après la sortie de The Eternal Harvest, comme par exemple la décision de raccourcir les morceaux. Nous voulions créer quelque chose de plus direct, de plus primaire et de plus épique à la fois, collant ainsi davantage à nos goûts respectifs. Nous sommes satisfaits de cette nouvelle formule.

Le nom Lunar Tombfields est tiré d’un titre du groupe allemand Venenum, mais comment le relies-tu à votre musique ?
M. : Le nom est inspiré par un morceau de ce groupe mais c’est simplement car nous trouvions qu’il représentait parfaitement notre musique, voilà tout. Il n’y a aucun hommage derrière cela. Le terme « Lunar » fait bien sûr référence à la lune et aux étoiles en général. Thématique centrale de notre premier album, l’humanité s’est très souvent tournée vers les étoiles et les dieux pour obtenir des réponses concernant le chemin à suivre. Le terme « Tombfields » fait référence aux échecs de ces destinées, aux erreurs commises et sans cesse répétées, aux pardons jamais formulés, aux cimetières toujours plus bondés et aux trahisons jamais pardonnées.

La majorité des textes est en anglais, mais j’ai remarqué sur cet album deux morceaux en français : Représailles et Le chant des tombes. Pourquoi avoir choisi de conserver le français pour ces morceaux ?
M. : A vrai dire nous avions prévu de commencer à utiliser le français dès le début de la composition de l’album. Le texte de Le Chant des Tombes est le deuxième à avoir été finalisé après celui de Solar Charioteer. L’idée est rapidement apparue de terminer chaque face du vinyle par un titre en français, établissant ainsi une sorte de coupure dans la narration. Chanter dans sa langue maternelle apporte une fougue et une rage supplémentaire selon moi. C’est également plus simple pour mettre en place certaines métaphores, certaines images, certains concepts.

Bien que chaque titre ait sa propre atmosphère, chacune de vos compositions est relativement longue, tout en restant très cohérente entre les parties agressives et celles plus douces. Comment arrivez-vous à créer un équilibre sur vos compositions ?
M. : J’ai toujours été un grand amateur de musiques progressives et je suppose que cela s’en ressent au sein de nos compositions. Le risque est parfois de s’y perdre, mais c’est là qu’intervient le regard neuf d’Äzh. C’est à cela que servent les arrangements, créer du lien entre tout ce qui émerge dans mon esprit.
Äzh : Lorsque que je m’attelle aux arrangements des morceaux, j’ai une facilité à couper net dans les compositions, à supprimer des passages entiers ou à les modifier totalement. D’une manière générale, dès que le rythme du morceau n’est pas fluide nous tentons de modifier parfois en profondeur l’ossature, afin que l’écoute soit la plus agréable et « logique » possible. La longueur des morceaux provient de cet état de fait : nous souhaitons que la progression harmonique soit la plus riche et aboutie possible, sans se donner de limite.

J’ai remarqué une approche parfois assez Old School dans votre musique, d’où puisez-vous votre inspiration ?
M. : Notre musique reflète nos états d’esprits, nos ressentis lors de la composition. Nous sommes des passionnés de musique au même titre que nous sommes des musiciens. Nous nous inspirons de nos écoutes, de nos lectures, de nos rêveries. Nous établissons une direction musicale et nous essayons de lui donner une forme sonore la plus fidèle à nos attentes. Bien entendu le chemin n’est pas figé et nous changeons très souvent de direction au cours du processus de composition.
Äzh : J’ai découvert le metal extrême avec les groupes de Black scandinaves, et depuis je n’ai quasi jamais arrêté de les écouter. J’aime l’intensité qui se dégage de cette scène, la puissance et le côté guerrier. Cet état d’esprit peut être transposé dans de nombreux styles, et même si nous prenons souvent le temps d’amener nos riffs, d’introduire nos points culminants etc, il arrive parfois que nous voulions seulement jouer du Black Metal sans artifice, au plus direct.

Je sais que c’est une question difficile, mais est-ce que tu as un morceau préféré sur cet album ? Ou celui qui t’a semblé le plus naturel à composer ?
M. : C’est une question difficile. J’aime le fait que chaque titre soit vraiment différent des autres. Si je n’ai qu’un seul choix, ma préférence ira vers Le Chant des Tombes. C’est celui dont l’écriture de la musique et des paroles a été la plus fluide. J’apprécie tout particulièrement toutes les mélodies qui y sont développées. Je trouve qu’il s’agit de la conclusion idéale pour cet album.
Äzh : Pour ma part il s’agit sans aucun doute de As Iron Calls, So Pile the Dreams… pour la simple et bonne raison qu’il contient le riff qui pour moi est le plus beau de l’album. J’ai la sensation que c’est probablement le morceau le plus simple également, le plus direct, avec peut-être aussi Solar Charioteer.

An Arrow to the Sun sort sur Les Acteurs De L’Ombre, label qui vous avait déjà accompagnés sur le premier album, comment se passe la collaboration ?
M. : Elle se passe bien. Nous connaissons personnellement la plupart des membres qui sont des gens très investis dans ce qu’ils font. La collaboration pour ce second album s’est passée sans aucune encombre. Nous faisons ce qu’ils attendent de nous et ils font ce que l’on attend d’eux, voilà tout.

Comment as-tu découvert le Metal Extrême, et plus particulièrement la scène Black Metal ? Quels sont selon toi les groupes immanquables de la scène ?
M. : D’une manière assez classique, en tombant par hasard sur les disques de Kiss et d’Iron Maiden de mon père à l’âge de neuf ans. Mon parcours musical n’a depuis cessé d’évoluer au fil des rencontres, notamment à l’adolescence quand des amis et ma soif insatiable de nouvelles découvertes ont amené devant mes oreilles Mayhem, Gorgoroth, Enslaved et Emperor. Je ne sais pas s’il existe aujourd’hui des groupes immanquables, mais je ne suis pas de ceux qui répètent inlassablement que “c’était mieux avant”. De belles choses émergent encore actuellement. Le Black Metal sous toutes ses formes a encore de beaux jours devant lui.
Äzh : Le tout premier cd de metal que j’ai acheté est Chimera de Mayhem. J’ai très vite enchaîné sur les classiques 90’s scandinaves. Pour ma part, au contraire de M., je suis très très attaché à cette époque et je pense que les 3 premiers albums de Gorgoroth resteront à jamais la quintessence du Black Metal à mes yeux. Je suis également très fan du groupe Belliciste, qui arrive à retranscrire cet esprit et cette âme de nos jours. Je vous recommande fortement de les écouter.

Le groupe est à la base un duo, mais compte également sur des musiciens de session pour assurer ses lives. Comment les avez-vous recrutés ?
M. : Rx et Atheus sont des amis de longue date et des musiciens confirmés. Il nous a semblé tout naturel de leur proposer de nous accompagner sur scène.
Äzh : A l’origine, nous étions tous deux à la guitare en live. Nous avons recruté Atheus naturellement, et lorsque que notre batteur n’a pas pu continuer avec nous, j’ai repris la batterie. RxN est un musicien avec qui je partage d’autres projets musicaux, et qui a une facilité déconcertante à apprendre des répertoires, c’était donc une solution pro et efficace que de le recruter.

Avez-vous des plans pour la suite de Lunar Tombfields ? Je sais qu’une tournée est prévue en France et Belgique avec Jours Pâles, comment vous préparez-vous ?
M. : Nous avons prévu de jouer le plus possible afin de défendre ce disque sur scène. Outre la tournée que tu mentionnes, des dates et des festivals ne vont pas tarder à être annoncés. Nous nous préparons avec beaucoup de sérieux. Nous voulons être les meilleurs possibles sur scène, c’est un devoir envers le public qui se déplace et paie pour te voir.

Est-ce qu’il y a des musiciens ou artistes avec lesquels vous souhaiteriez collaborer dans le futur ?
M. : Il y a bien évidemment des artistes avec lesquelles nous aimerions partager la route et la scène, mais aucun projet de collaboration n’est à prévoir pour le moment.

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