Interview : Wntrhltr

Thomas Wntrhltr, chanteur/guitariste et créateur du projet WNTRHLTR, a répondu à mes questions concernant la sortie de Deu.Ils, son premier album.

Chronique de Deu.Ils

Bonjour et tout d’abord merci de m’accorder de ton temps ! Comment présenterais-tu le groupe WNTRHLTR sans utiliser les habituelles étiquettes “Metal” ?
Thomas Wntrhltr (chant/guitare) : Hello ! WNTRHLTR c’est avant tout un projet cathartique, très personnel mais à vocation de partage d’émotions que chacun peut ressentir dans un moment de deuil, je pense. 

Que signifie le nom du projet et en quoi est-il lié à ta musique?
Thomas : Le nom du groupe est d’abord lié à mon histoire personnelle, puisqu’il s’agit d’un de mes ancêtre, le peintre Franz Xaver Winterhalter, qui vécu tourmenté entre son inattendue accession à la cour d’Angleterre en tant que peintre et ses origines paysannes. D’un côté rejeté car paysan qui ne pourra jamais être considéré par ses contemporains de la cour et de l’autre renié par ses compatriotes allemands qui le décrivent comme un “vendu”. C’est également lié à la musique car on retrouve cet esprit de dualité tout au long de l’album, s’en est d’ailleurs le sujet principal ! 

Le premier album de WNTRHLTR, Deu.Ils, est sur le point de sortir. Comment pourrais-tu le résumer en trois mots ?
Thomas : Je pense que les 3 mots les plus appropriés sont : PUTAIN DE CONTENT !
Plus sérieusement, je dirais : Personnel, instinctif, salvateur 

Comment s’est passé le processus de composition de Deu.Ils ? Quelles ont été tes influences, musicales ou non ?
Thomas : La plupart des morceaux nécessitaient un coup de fouet pour rendre l’ensemble plus percutant, on a beaucoup travaillé sur ce côté avec l’ancien line up, avec l’ajout de break, de passages Post-Black, etc… qui ont permis d’avoir le rendu actuel. Je composais les harmonies de base dans mon coin, en cherchant d’abord l’émotion que les notes pouvaient m’apporter et à chaque fois cela a été très naturel de poser les textes dessus, car chaque riff faisait résonner instinctivement ce que je recherchais au niveau du rendu. Pour les textes, j’ai toujours une note ouverte sur mon téléphone, dans laquelle j’écris une ou plusieurs phrases que je développe plus tard.
Au niveau des influences, je me suis beaucoup appuyé sur la peinture classique et ce que certaines œuvres renvoyaient graphiquement, des sentiments que j’avais envie de transcrire musicalement. J’ai une grosse mémoire visuelle, et finalement je n’ai eu que très peu d’influences musicales pour la composition, même si des groupes comme isis, yob et amenra m’ont apporté beaucoup sur le placement de la voix et la manière de chanter. 

Pour deux titres, tu as fait appel à Laure le Prunenec, comment s’est passée la collaboration ?
Thomas : La collaboration s’est divinement bien passée, Laure est une amie avec qui je partage une certaine sensibilité musicale et artistique, on s’est bien trouvé je crois.
Thomas : Le morceau Prologue est une compo à moi, et j’avais fait appel à Laure pour m’aider à placer les lignes de chant, mais quand elle a fait un essai en studio, j’ai décidé de lui laisser la place parce qu’on ne va pas se mentir, sa voix est extraordinaire ! Une fois l’enregistrement de ce morceau achevé, on s’est regardé droit dans les yeux tous les trois (avec Francis Caste) en se disant qu’on ne pouvait pas en rester là et qu’il fallait terminer l’album par quelque chose de fort, et c’est de là qu’est né le dernier morceau Deuil. Laure a eu carte blanche pour le chant, et Francis a utilisé tout son talent pour créer un morceau hybride, entre musique tribale, musique électronique et ambiant. On a tous les trois été sur le cul en écoutant le rendu, c’était du one shot, j’avais des paroles déjà écrites, comme prédestinées à venir clôturer cet album, comme un signe !

Bien que très lourd, ce premier album est empreint d’une mélancolie évidente. Comment arrives-tu à gérer tous les aspects de ta musique ?
Thomas : Très honnêtement, c’est justement la musique qui m’a soutenu et qui m’a permis de sortir la tête du sable à l’époque. Une fois les morceaux écrits, tout devenait plus clair dans mon esprit, j’avais réussi à mettre toute cette rage, ce désespoir et ce questionnement dans ma musique, ce qui m’a libéré l’esprit et permis d’écouter autre chose que des chansons tristes sous la douche 😀 Même si je trouve que de la noirceur émane les plus belles émotions. Je déteste l’art joyeux…

Quelles ont été tes exigences pour l’artwork ?
Thomas : A la base aucun exigence, c’est pour moi un exercice tout nouveau que de concevoir un album de A à Z ! J’ai fait appel à mon ami Samuel Guigues pour la partie photo, je lui ai expliqué de quoi parlait l’album et ses enjeux et j’ai choisi cette photo prise dans la neige, qui représente une prière et même si très classique, voir cliché Black Metal et Metal en général, on a essayé de rendre cela plus actuel avec l’aide de mon amie Leslie Guidez. J’avais cette envie d’ajouter des clin d’oeils graphiques à l’école du bauhaus et aux vieux flyers de punk hardcore qu’on pouvait trouver dans les années 90. Elle m’a fait plusieurs propositions et celle que j’ai retenu est l’actuelle, avec ces deux demi-cercles sur la face avant et arrière de la pochette, qui représente encore une fois la dualité omniprésente dans cet album.

Cet album sort en autoproduction, comment as-tu décidé de sortir seul ton premier album ?
Thomas : La seule chose qui m’a décidé à sortir cet album en autoproduction c’est le timing donné par les labels… J’étais en discussion avec trois labels mais qui ne pouvait sortir l’album qu’en 2023 et c’était bien trop long pour moi, l’album étant enregistré depuis la fin 2021… C’est un mal pour un bien je pense, car cela m’a permis d’assumer le processus de A à Z, comme un nouveau challenge. Je ne suis pas contre une signature en label, au contraire, si certains nous lisent, d’ailleurs, n’hésitez pas à m’écrire 😀

Depuis 2020, le monde souffre du Covid-19. Comment as-tu vécu les différentes périodes de restrictions en tant que musicien ? Est-ce que la pandémie a eu un impact sur l’album ?
Thomas : Sacrée galère… Forcément les répètes étaient au point mort, on cherchait un moyen de jouer à distance mais très compliqué. Une fois les mesures assouplies, o na pu répéter au studio sainte marthe avec tout le groupe hors l’ancienne bassiste qui était en angleterre. De là, j’ai eu l’idée d’utiliser le logiciel développé par Francis Caste et son associé, à savoir Nucorder, pour répéter à distance. L’idée était simple : faire en sorte que notre bassiste nous entende en répète et nous l’entendions sortir sur son ampli basse, sans perte de signal. Il y a d’ailleurs une vidéo sur le process utilisé sur la page facebook de Nucorder, si cela peut servir aux musiciens exilés !! Ça a vraiment été salvateur pour le groupe, car on a pu peaufiner les compos et avancer tout de même ! L’impact de cette pandémie a été très fort, comme pour beaucoup, mais personne n’a baissé les bras et je leur en suis éternellement reconnaissant.

Bien que le futur soit toujours incertain, est-ce que tu as déjà des plans pour le futur du groupe ?
Thomas : C’est vrai qu’en ce moment on ne sait jamais sur quel pied danser… Le line up vient de changer entièrement et évidemment qu’on se projette, il y a une ambition de faire des dates et de composer un nouvel album. J’ai déjà cinq ou six morceaux composés qui sont à retravailler, mais c’est une bonne source de motivation pour tout le monde et j’espère que nous pourrons les proposer en live, en plus de l’album qui vient de sortir ? 

Qu’est-ce qui t’a poussé dans l’univers du Metal ? Quel a été ton premier album de Metal ?
Thomas : J’ai grandi dans un environnement musical très riche, je n’imaginais pas me diriger vers le Metal à l’origine, car ayant grandi en cité hlm avec ma mère et mon frère, j’écoutais plutôt du Rap Français avec mes potes de l’époque, mais en 1998, mon cousin, qui baignait déjà dans le Black, le Hardcore et le Metal, m’a dit d’acheter le premier album de Soulfly et ça a été une révélation. Tout me parlait dans cet album, tant les instruments traditionnels brésiliens qui se mêlaient aux guitares saturées et à la voix furieuse de Max Cavalera que l’univers de ce qu’était le Metal. J’avais 11 ans, ça remonte pas mal maintenant !

Quel est ton regard sur la scène française ? Et la scène internationale ?
Thomas : Je suis complètement ouvert au niveau des deux scènes, mais je trouve que malheureusement beaucoup de groupes français manquent d’originalité, même si on trouve des groupes pépite comme Alcest, Hangman’s Chair, Mütterlein, Nature Morte, Paerish, Saar ou encore Orbel, pour n’en citer que quelques uns ! Souvent, en discutant avec d’autres groupes, on entend dire “on a voulu faire quelque chose dans le genre de tel ou tel groupe” ce que je trouve dommage, parce que la musique c’est avant tout (pour ma part en tout cas) une transmission d’émotions, et se mettre une barrière de ressembler à tel ou tel groupe met vite un frein à la dynamique créative, mais ce n’est que mon avis personnel !

Est-ce qu’il y a des groupes ou des musiciens avec lesquels tu aimerais collaborer, que ce soit pour un titre ou plus ?
Thomas : Forcément ! Surtout au niveau des voix… J’avais proposé à Neige d’Thomas : de collaborer sur un morceau, mais il était en pleine compo de leur nouvel album, donc compliqué ! J’avais également proposé à Cédric de Hangman’s Chair, toujours pour la voix, sans rien se fixer, donc pour l’instant rien n’a été fait ?
J’ai toujours eu un coup de cœur pour les morceaux à plusieurs voix, mêlant chant clair, chant saturé et même plusieurs voix claires, féminines et masculines qui s’entrechoquent. 

Quels sont les groupes de la scène française qu’il faut absolument écouter en 2022 selon toi ?
Thomas : Juste avant de répondre à tes questions j’écoutais le dernier opus de Gronibard et franchement, ces mecs sont des génies, même s’il a fallu attendre 14 ans pour cet album ! L’album de Mutterlein est vraiment bien, celui de point mort également ! Nature Morte, Brusque et Saar sont aussi pour moi des groupes qui m’ont mis de belles claques.

Te souviens-tu de ta première expérience avec un instrument ? Quand et comment est-ce que ça s’est passé ?
Thomas : Avec une famille pleine de musiciens, c’était compliqué de passer au travers, mais celle qui fait le plus écho c’est au collège avec les fameux cours de flûte… j’ai toujours refusé de jouer de cette foutue flûte, au point d’aller la jeter dans les toilettes du collège… La prof était furieuse que je refuse d’en jouer, elle me collait des 0 à chaque fois et un jour, dépitée, elle m’a dit : “ok, tu ne veux pas jouer, alors tu vas chanter !” Elle m’a collé la chanson Sale Petit Bonhomme de Brassens à apprendre et j’ai fini avec un 19/20, j’y croyais pas…

Quels sont tes hobbies en dehors de la musique ? Est-ce que tu réussis à vivre de ta musique, ou est-ce que tu as un métier qui n’a pas de rapport avec la musique pour vivre ?
Thomas : Pour l’instant la musique est une passion, je n’avais pas l’ambition d’en vivre, mais maintenant que la machine est lancée, on verra bien où cela me mène ! Je ne me mets pas de barrières, c’est la pire chose à faire quand on entreprend quelque chose…
Niveau hobbies, je suis motard et passionné de moto, passionné de voitures anciennes (merci papa…) et forcément je vais voir le plus de concerts possibles, j’adore voir des musiciens défendre leur musique en live, peu importe le style.
Mon métier n’a aucun rapport avec la musique, je bosse chez Espaces Atypiques, une agence immobilière spécialisée dans les biens atypiques, loft, maisons d’architectes, etc…

Si je te demandais à quel plat français tu pourrais comparer la musique de SunStare, lequel choisirais-tu ? Pourquoi ?
Thomas : Merci déjà pour la découverte, leur dernier album est chanmé ! Je dirais du hachis parmentier ! Pas la version toute naze de la cantoche, mais plutôt celle du bistrot qui sort tout juste du four, qui te crame la gueule mais tu sens que c’est bon, donc tu y reviens !

Dernière question : avec quels groupes rêverais-tu de tourner ? Je te laisse créer une tournée avec trois groupes, plus SunStare en ouverture.
Thomas : J’adorerais faire une tournée avec Alcest, mon cousin y est batteur et j’adorerais partager ce genre de moment avec lui… Pour la tournée, je dirais Envy, Alcest et Thou !

Merci à nouveau de ta disponibilité, je te laisse les mots de la fin !
Thomas : Avec plaisir, c’est toujours chouette de répondre à des questions pertinentes et intéressantes ! J’espère que l’album plaira et que peut-être il aidera certaines personnes, d’ailleurs n’hésitez pas à venir en discuter, la porte est ouverte !

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